top of page
  • Milena

La légende du forgeron taillandier

Dernière mise à jour : 13 janv.

Découverte d’une légende sur le métier de taillandier qui a été longtemps racontée dans les chaumières des forgerons en Angleterre...

 

Forgeron du 19ème siècle qui actionne le soufflet pour augmenter la chaleur du feu
Peinture de Charles Grant Beauregard fin XIXème

On pourrait dire que je suis tombée par hasard sur cette légende. Ce serait une vérité partielle. Car j’errais sur les précieux documents de la BNF et tombais sur un livre qui traite de la forge coutellerie et taillanderie édité en 1896.

Dans l’ouvrage, l’auteur explique que les forgerons sont les seuls qui ont échappés à la « malice populaire » comme il la décrit, à laquelle cependant tous les autres métiers n’auront pas échappés.

En effet, le forgeron était respecté pour son savoir-faire et par sa capacité à fournir les outils auprès de tous. « pas un corps de métiers ne pût se passer de leur concours, soit pour fabriquer les outils, soit pour les réparer ou pour les mettre à neufs »

Et puis, imaginez : un homme qui était capable de jouer avec le feu et de transformer le fer en imposait beaucoup à l’époque ; notamment via leur force physique qui était une caractéristique très prisée. Ainsi on ne se permettait pas de se moquer des forgerons, on les adulait !

C’est ici donc que l’auteur nous transmets cette légende que je vous retranscris telle qu’elle et j’ajouterai par la suite quelques déductions que j’ai faites après m’être renseignée sur cette histoire :


« Au temps jadis, le 17 mars, le bon roi Alfred réunit tous les métiers, au nombre de sept, et déclara qu’il ferait roi des métiers celui dont l’ouvrage pourrait se passer de l’aide des autres pendant la plus longue période de temps.

Il annonça qu’il donnerait un banquet auquel il invita un représentant de chaque profession et il mit comme condition que chacun d’eux montrerait un spécimen de son ouvrage et les outils dont il s’était servi pour le faire. Le forgeron apporta son marteau et un fer à cheval, le tailleur ses ciseaux et un vêtement neuf, le boulanger son pelleron et un pain, le cordonnier son alène et une paire de souliers neufs, le charpentier sa scie et un tronc équarri, le boucher son couperet et un gros morceau de viande, le maçon son ciseau et une pierre d’angle.

Après examen, les convives proclamèrent unanimement que l’ouvrage du tailleur était supérieur à celui des autres, et il fut installé comme roi des métiers. Le forgeron fut courroucé de cette décision et déclarant que tant que le tailleur serait roi, il ne travaillerait pas, il ferma sa boutique et s’en alla on ne sait où. Mais on ne tarda pas à regretter son départ. Le roi fut le premier à avoir besoin des services du forgeron, son cheval s’étant déferré ; l’un après l’autre, les six compagnons brisèrent leurs outils ; ce fut le tailleur qui put travailler le plus longtemps : mais le 23 novembre de la même année, il lui fut impossible de continuer. Le roi et les ouvriers se déterminèrent à ouvrir la forge et à essayer de faire eux-mêmes l’ouvrage : le cheval du roi le frappa, le tailleur se brûla les doigts, à chacun il arriva de pareilles mésaventures ; tous se mirent à se quereller et à se frapper, et, dans la dispute, l’enclume fut heurtée et renversée avec fracas.

Alors arriva Saint-Clément, donnant le bras au forgeron. Le roi fit un humble salut à Saint-Clément et au forgeron et leur dit : J’ai commis une grande erreur en me laissant séduire par le drap brillant et la savante coupe du tailleur : en bonne justice le forgeron, sans l’aide duquel les autres ne peuvent rien faire, doit être proclamé toi. Tous les ouvriers, sauf le tailleur, le prièrent de leur refaire des outils ; il y consentit et il forgea même pour le tailleur une paire de ciseaux neufs. Le roi réunit de nouveau les métiers et proclama roi le joyeux forgeron, auquel tous souhaitèrent bonne santé et longue vie. Le roi demande à chacun de chanter une chanson et le forgeron commença par celle du Joyeux forgeron, qui est restée populaire, et que l’on chante encore aux fêtes du métier en Angleterre. »

(J’ai trouvé une trace d’un hymne de forgeron évoquant le joyeux forgeron. Il s’agit de « Twanky Dillo" : « Santé au joyeux forgeron, le meilleur de tous les camarades, Qui travaille à son enclume pendant que le garçon souffle dans le soufflet ! »)



La date du 23 novembre citée dans l’histoire n’est pas anodine : C’est le jour de la Saint-Clément. Ici il est présenté comme le saint patron des forgerons. (Il est aussi cité ailleurs comme le patron des marins).


Dessin du pape Clément 1er
Mr Pape Clément 1er, c'est lui le copain des forgerons!

Ainsi en Angleterre, le 23 novembre est un jour de fête pour les forgerons sous le nom de : St Clement's Day ou Old Clem’s night.

Il y a un 1er rituel qui est connu sur ce jour-là : le "tir de l'enclume". Le forgeron met de la poudre à canon dans un petit trou d'une enclume, puis frappe violemment avec un marteau, provoquant une petite explosion. Le tir à l'enclume était également un test de la durabilité de l'enclume : les enclumes faibles se cassaient sous la pression et devaient être reforgées.

Le 2ème rituel consistait à se déguiser en « old Clem » (masque, manteau, perruque) puis on menait un cortège de forgerons à travers les rues, et on se rendait dans les maisons pour mendier de la bière ou du vin. Pour encourager les largesses, on faisait parfois circuler un pot en fer ;

Cette coutume s'est étendue à la coutume des visites de « clémenting » ou « clémening » selon laquelle les enfants faisaient du porte-à-porte pour demander des pommes, des poires et d'autres friandises sucrées en échange de chants traditionnels associés à la nuit, tels que « Clément, clément, pommes et poires", ou encore "Clemany clemany, mine de clemany, une pomme rôtie et du bon vin rouge ! (ça rappelle bien évidemment la coutume actuelle d’halloween)


Foule de forgerons qui déambule dans la rue pour fêter la saint-clément patron des forgeron
Dessin de déambulation des forgerons dans la rue le 23 novembre

De nombreuses légendes suggèrent que Saint-Clément fut le premier homme à affiner le fer à partir du minerai et à ferrer un cheval. Cette croyance proviendrait de vieux rituels païens, qui vouent un culte à Völund le forgeron, un métallurgiste mythique. Völund a lui aussi droit à sa légende, mais ce sera pour un prochain article !


Ainsi en étudiant l’aspect mythique et divin du forgeron, on remarque que celui-ci tient une place prépondérante dans les différentes civilisations qui se sont succédées. N’oublions pas l’impact énorme qu’ils ont eu dans les différentes évolutions de notre histoire.

Pour tous les forgerons et forgeronnes d’hier, d’aujourd’hui et de demain…

267 vues3 commentaires

Posts récents

Voir tout

Articles similaires

bottom of page