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Obtention du titre de maitre artisan d'art et une partie de mon parcours de vie

37 ans aujourd'hui Le 9 août 2024

Portrait de Jeremy Roger qui tient le diplome de maitre artisan d'art
Obtention du titre de maitre artisan d'art

Pour une fois, c'est une sensation non pas d'avoir vieilli mais d'avoir grandi.

Le Mardi 6 août 2024, le président de la chambre des métiers de l'Isère : Christian Rostaing, est venu me rendre en main propre le titre de MAITRE artisan d'art.

Pfiouloulou.

Pour être honnête, à aucun moment je n'ai la prétention d'être maitre de quoi que ce soit. Ce début d'année à tellement été dur pour moi physiquement que je me suis plongé dans des déboires techniques où la loi de Murphy s'est régalée à mes cotés.


Et pourtant, je n'ai pas la prétention de mériter ce titre de maitre mais je l'accepte quand même.. Mais pourquoi?



Revenons un peu en arrière :

Depuis que j'ai 16 ans, c'est-à-dire depuis le moment où j'ai arrêté l'école et que je suis rentré dans la vie active (ou plutôt alternative), je suis atteint de BROUILLARD CEREBRAL : certaines personnes savent ce que ce c'est car ils l'ont eu avec le covid long, depuis on en parle beaucoup mais avant ça... Même moi je ne savais pas que ça existait.

Jeremy Roger et Christian Rostaing président de la CMA d'isère qui signes le diplome de maitre artisan d'art
Visite de Christian Rostaing président de la chambre des métiers de l'Isère

C'est un syndrome qui met au ralenti la capacité de réflexion, il devient alors difficile de trouver ses mots, des fois difficile de tenir une conversation sans se concentrer, être dans une foule devient un enfer, difficile de faire une simple addition, je ne vous parle même pas de la mémoire. Et cette fatigue permanente. Il devient donc très compliqué d'évoluer en société, dans un monde où l'ego a une place prépondérante, la lenteur de la parole et de la réflexion n'a pas sa place de roi. C'est un syndrome que personne ne voit, il est très subtile, peu de monde arrive à comprendre ou le percevoir et pourtant ça change une vie, on se sent bête et fatigué en permanence.

Il est donc difficile de se vendre auprès d'un employeur, difficile de promettre un résultat optimal quand on a une réflexion atténuée.

A l'heure actuelle, je n'ai aucun diplôme reconnu par l'état, même pas mon brevet des collèges.

-On m'a placé dans un CAP productique mécanique... j'ai abandonné

-J'ai tenté un Cap électrotechnique que j'ai échoué

-J'ai quand même passé une formation pour devenir technicien du son, il n'y avait d'épreuve donc je m'en suis bien sorti.

-J'ai tenté mon permis 2 fois et j'ai eu mon code au bout de la 3ème fois...

Foutu brouillard... il ne m'a rien facilité.


Comment détruire un rêve:

Mes profs de collège disaient très souvent que je finirais éboueur. Ils ont eu raison car j'ai travaillé pas mal de temps dans un centre de tri de déchet, écumé quelques saisons de plongeur en cuisine, des saisons de ramassage de fruit.

Étant petit, j'avais de rêves, j'ai voulu être mécanicien moto sur le paris dakar. Quand j'étais plus jeune, j'avais la faculté de transmettre ce qui m'intéressais, à force d'en parler tout le temps ça donnait surement envie. Ce qui est sur c'est que je ne parlais jamais de l'école à part pour dire que ça m'ennuyait. J'étais tellement passionné de moto que j'ai transmis une bride de passion à un élève qui était dans ma classe, il semblait intéressé mais pas plus que ça, je l'ai incité à postuler pour ce CAP de mécanique moto pour qu'on soit ensemble, lui il était calme et apprécié des profs, de très bonnes notes. Son dossier a donc été retenu sans hésitation. Mon dossier était tellement mauvais, je n'ai jamais été accepté dans l'école de mécanique moto. Je me rappellerais toujours de mon directeur du collège qui est venu me donner la lettre de refus en pleine épreuve de math pendant le brevet des collèges, il s'en suivra que j'ai eu une moyenne de 2 au brevet.

Quelques mois plus tard, mon mentor Matthieu, le père d'un copain qui faisait de la moto enduro est mort dans un accident (de moto du coups), mon rêve s'est complètement effondré. Cette passion fut anéantie et le temps passant je me prit d'intéressement pour l'univers post apocalyptique qui à dicté ma créativité musicale pendant un certain temps.

Une rencontre avec les bas fond a succédé.


Les échecs, source de force et de persévérance :

J'ai globalement été très souvent en échec dans ce que j'entreprenais, perdant confiance en moi en permanence, me croyant bête tout le temps avec ce brouillard qui m'empêche de réfléchir. Je ne dis pas, il y a quand même eu des choses que j'ai réussi... mais il a toujours fallu que je bataille, rien n'a jamais été acquis.

De mes 17 ans à 21 ans, j'ai plus ou moins airé avec mon sac à dos en faisait la manche en jouant du bâton du diable, trainant entre différentes rave party de part et d'autre de l'Europe. Quelques voyages seul

Jeremy Roger qui trempe une doloire dans un bac d'huile pour effectuer un traitement thermique

catastrophiques en Amérique du sud où je me suis fait raquetter tout mon argent, m'obligeant à faire la manche au Pérou dans un pays où je ne parlais pas un mot d'anglais ou d'espagnol.

Et puis à 22 ans je commence à faire connaissance avec la matière, la terre, le fer et même le "faire".

Une autre aventure commence...

Avec mes problèmes à sociabiliser, la seule source de dialogue qui ne me donnait pas de sensation de jugement fut la matière.

Même si elle est dur et injuste parfois, avec elle il n'y a pas de code de bonne tenue.

Cette matière qu'est le fer animée par le feu.

Même si avec les années, j'ai acquis beaucoup de technique, je l'ai toujours pratiquée de manière intuitive.


Et pourtant j'ai continué échec sur échec sur échec dans cette pratique... c'était finalement le "maitre" mot de ma vie. Je ne sais pas combien de fois j'ai failli abandonner la forge.

Jeremy Roger qui pose devant une forge à charbon allumée

Et pourtant, j'ai tellement appris sur moi-même, mes fonctionnements personnels qui m'ont toujours mis en défaillance de ce système, sur la pratique d'un métier, sur ce dur métier qu'est la taillanderie.

Quand on se confronte à des remises en question, c'est là que la philosophie commence à naitre, elle permet de mettre du sens à nos états d'âme.

L'échec m'aura apprit à m'obstiner, déterminer, à performer ce qu'il y a au fond de moi-même, à consolider mon rêve, à prendre confiance en moi, prendre des pains/se relever--->tester--->faillir--->recommencer--->re-faillir--->réussir---> croire que tu es bon --->Refaillir --->redescendre d'un niveau--->tomber de l'échelle--->remonter---> finir par manger les fruits en haut de l'échelle.


Là où les modèles sociaux amènent à réussir pour surpasser les autres, j'ai emprunté une autre route.

Photo de Jeremy Roger en train de forger sur son enclume

J'ai failli pour apprendre, ça amène de la persévérance qui est le moteur de la labeur.

Il y a 14 ans je voulais être taillandier. Aujourd'hui je le suis et c'est ancré en moi, animant ma pratique par une forme de philosophie qui m'a toujours donné de l'espoir.

Je fais ce métier parce qu'il a du sens dans mes tripes, l'histoire du fer me fait voyager, sa magie me fait rêver, sa technique construit.

Au bout de 14 ans de métier, je me sens toujours en bas de l'échelle, avec encore cette soif d'apprendre toujours plus.

Aujourd'hui j'accepte ce titre de la chambre des métiers, non pas parque je suis bon, très loin de là. Je l'accepte car c'est enfin une reconnaissance d'un groupement professionnel institutionnalisé, là où j'ai souvent été en marge de la société, j'ai enfin le sentiment d'être à la place où je dois être. Ni dedans, ni dehors...mais au centre.

Là où on pense que la vie nous fait pas de cadeau, il y en a toujours camouflé.

Aujourd'hui je ne regrette rien de ce que j'ai vécu malgré les douleurs physiques, que je porte au quotidien actuellement et ce brouillard cérébral qui ne me quitte pas, peut-être est-ce lui qui aura dicté ma vie ?


129 vues1 commentaire

1件のコメント

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ゲスト
9月14日
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J'ai rencontré Jérémy lors d'un projet photographique, son accueil, sa passion, sa disponibilité reste en moi comme des moments important dans une vie. Ayant moi-même eu une vie scolaire particulièrement laborieuse, je mesure ce que la reconnaissance de son travail est pour lui. Tout au long de cette recherche photographique sur les métiers d'art et les artisans, j'ai eu des témoignages enthousiastes sur Jérémy et son travail.

Au plaisir de se revoir.

Christian



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